La question du niveau d'eau dans le Thouet revient régulièrement dans les débats : odeur nauséabonde, poissons morts, activités nautiques... Un groupe d'habitants d'Artannes-sur-Thouet a décidé de se regrouper pour faire entendre leurs revendications auprès de l'Agglomération Saumur-Val de Loire concernant la gestion de ce cours d'eau.
Un collectif d’habitants d’Artannes-sur-Thouet, et plus
particulièrement du hameau de la Motte, s'est réuni pour alerter sur l’inquiétante
régulation du niveau du Thouet. L’objet principal de leurs inquiétudes, les
variations brutales du niveau d’eau. « Il
y a quelques jours, il n’y avait dans le Thouet qu’un filet d’eau (voir image ci-dessous), un bras large
d’à peine deux mètres. Depuis le début de semaine, un technicien de l’agglo
(NDLR : En charge de la régulation et de l’entretien du cours d’eau) est
venu relever une porte qui était ouverte en amont. Depuis l’eau un est peu
revenue, même si elle est encore bien en dessous du niveau qu’il faudrait », explique
Michel Chevret, habitant de la Motte.
Pas d'eau, pas de farine ni électricité
Le niveau d’eau n’est pas anecdotique pour ces riverains et
pour cause, un moulin se situe à Artannes-sur-Thouet, dont l’activité est
particulièrement dépendante du flux de la rivière. « Ce moulin est pleinement fonctionnel, nous avons deux roues, l’une
produit de l’électricité pour le moulin, l’autre actionne une meule qui nous sert
à faire notre propre farine », indique le père et le fils Harrison,
propriétaires du moulin. Chaque année, ils produisent quelques centaines de
kilos de farine : « Nous
pourrions en produire bien plus, mais le moulin ne peut tourner que durant l’hiver
principalement puisqu’il n’y a plus d’eau le printemps et l’été. » La
roue qui produit l’électricité ne peut pas tourner non plus par « manque de puissance du cours d’eau »,
ce qui représente pour la famille un certain manque à gagner puisqu’ils
doivent payer une électricité qu’ils sont censés pouvoir produire. « Nous, comme également une chambre d’hôtes,
pouvons produire notre propre lumière. Et faire notre propre farine et nos gâteaux font
partie de l’ADN du lieu, sans ça et sans eau l’endroit perd de son charme »,
explique le propriétaire, installé depuis 4 ans dans le moulin. Sans parler de
la location de canoës qu’il propose qui est rendu difficilement praticable par
le manque d’eau. Or selon les Harrison, lorsqu’un moulin fonctionne grâce à l’eau,
la loi oblige l’organisme en charge du cours d’eau de faire tout pour que le
moulin continue de tourner.
De multiples usages
Trois autres gîtes sont situés le long du Thouet qui s’avère
très fréquenté par les promeneurs et touristes. « Nous sommes situés sur le passage du Thouet à Vélo et de la Vélo
Francette. Il y a un important passage de cyclistes, mais sans eau, l’endroit
perd de son intérêt », souligne Michel Chevret. Pour le collectif, le
Thouet s’avère essentiel pour la vie locale, comme pour les agriculteurs qui
pompent l’eau du Thouet pour irriguer leurs récoltes. « L’été dernier, les agriculteurs n’avaient pas le droit de puiser
l’eau de la rivière, car il n’y avait plus rien que du sable. Ils se sont donc
servis dans les réserves d’eau potable de la ville. Les légumes ont été arrosés
avec une eau traitée, chlorée et normalement prévue pour la consommation, alors
qu’ils auraient pu utiliser l’eau du Thouet, si celui était entretenu »,
alerte le collectif. L’association de pêche alerte également régulièrement sur
le manque d’eau dans le Thouet. « Préserver
le Thouet c’est préserver le tourisme, l’agriculture et les loisirs »,
affirment les habitants.
"L'agglo n’entretient pas et laisse dépérir"
Pour eux la faute revient principalement à l’agglomération
Saumur Val de Loire, en charge de l’entretien. « La régulation des barrages est catastrophique, c’est parfois
ouvert, des fois non. Et l’entretien de la digue qui borde ce cours d’eau
n’est pas réalisé, celle-ci est en train de tomber en ruine. L’eau passe par-dessus,
par-dessous, et troue la digue. Cela est dû aux perpétuelles variations. Lorsque l’on assèche la digue et qu’ensuite l’eau revient en force, cela fragilise
le tout et l’eau repousse les pierres », précise Michel Chevret. Le collectif
indique avoir alerté à maintes reprises depuis des années, en vain. « L’agglo veut que le Thouet retrouve
son cours naturel, en laissant les barrages ouverts, mais cela n’est pas
possible. Selon l’agglo, il faudrait que le niveau de l’eau soit 1m44 plus bas
que son niveau normal pour qu’il puisse « courir » et faire des « virages »
à travers les bancs de sable. Mais avec 1m44 en moins, il n’y a plus d’eau et
impossible de naviguer ou de faire tourner le moulin, on ne parle même pas de
la faune et de la flore », souligne Mme Victor, également habitante du
hameau. Une charge financière en moins pour l’agglo, estiment les riverains.
"Réguler le Thouet, c'est réguler la Loire"Pourtant, selon elle, la régulation du Thouet est essentielle :
« Autrefois le Thouet n’était qu’un
vaste marécage qui inondait les prairies qui le bordent. C’est pour cela qu’il
n’est pas possible de laisser le Thouet couler à sa guise sans le canaliser. Il
y aurait des inondations sur les rives du Thouet à Saumur. Par ailleurs, cette
rivière se jette dans la Loire. Réguler le Thouet et envoyer constamment un peu
d’eau dans la Loire, c’est aussi la réguler. D’autant que nous ne sommes pas au
bout des sécheresses et que nous allons en vivre de plus en plus. » Pour
Michel Chevret, il sera surement nécessaire à l’avenir de monter une association
regroupant tous les usagers pour faire « entendre leurs voix » et
pourquoi trouver des financements. « Je
ne sais pas si juridiquement nous pourrons agir, nous sommes encore en
réflexion. Mais quoiqu’il arrive, il faudra agir. Peut-être que le changement de
tête à l’agglo nous sera bénéfique », conclut-il.
Article du 17 juin 2020 I Catégorie : Vie de la cité