Depuis la levée du confinement le 11 mai, la stratégie de dépistage du Covid-19 a évolué. Ce changement de stratégie implique une façon différente de mesurer l'apparition des cas pour surveiller l'épidémie. Le compteur de surveillance est donc remis à zéro au 11 mai, départ de la stratégie post-confinement. Dr Pierre Blaise, Directeur du projet régional de santé à l’ARS, propose deux fois par semaine en complément du bulletin d’information une analyse des données épidémiologiques. Cette semaine, il explique les raisons de cette évolution dans la stratégie de dépistage et dans la surveillance de l’épidémie.
Le confinement généralisé a permis la maîtrise de l’épidémie
en freinant la transmission du virus. Il se passait de l’identification des
chaines de transmission pour en isoler les porteurs puisque tout le monde était
« isolé ». Avec la fin du confinement, les interactions sociales
reprennent au-delà du cercle familial et de quelques entreprises et commerces.
La distanciation physique volontaire et l’observation des gestes barrières sont
indispensables pour en conserver les effets. Mais ils ne suffiront pas tant que
le virus circule activement. La stratégie doit changer radicalement. A la
distanciation physique et aux mesures barrières, il faut adjoindre une
stratégie de confinement sélectif, cette fois restreint aux personnes qui
présentent des symptômes dus au Covid-19, même mineurs. Et à leurs contacts « à
risques », c’est-à-dire les personnes qu’ils ont pu côtoyer sans
distanciation suffisante ou sans mise en œuvre des gestes barrières.
Un système beaucoup plus efficace
Ce confinement sélectif jusqu’à quelques jours après la fin
des symptômes pour les malades, pour 14 jours au plus pour les contacts
asymptomatiques, a pour but de rompre efficacement les chaines de transmission
qui les concernent. Il est beaucoup plus efficace d’orienter le
dépistage actif « autour des personnes » confirmées
positives parce qu’elles se sont manifestées spontanément, en raison de
symptômes, même mineurs, auprès d’un médecin qui leur a proposé un test. La
probabilité d’identifier une chaîne de transmission devient alors très élevée.
Changement
de façon de mesurer l’apparition des cas pour surveiller l’épidémie.
Depuis le début de l’épidémie, l’ARS communiquait
quotidiennement le nombre de cas confirmés positifs. Ce chiffre se basait sur
la compilation des résultats de tests transmis quotidiennement et directement à
l’Agence Régionale de Santé puis vérifiés minutieusement et validés par Santé
publique France pour s’assurer qu’il n’y avait pas compte double, entre la
ville et l’hôpital ou encore de compilation de données de jours différents. Avec
la stratégie mise en œuvre depuis le 11 mai : confinement sélectif
(personnes confirmées positives, symptomatique ou non et leurs contacts)
appuyée sur une politique de tests massivement élargie à toutes les personnes
présentant des symptômes, même mineurs et à la recherche active de tous leurs
contacts à risque, on change d’échelle.La comparaison d’un jour à l’autre du nombre de cas
positifs, au moment où la stratégie et les modalités de reporting changent est
inévitablement biaisée. Du seul fait de tester plus largement, on s’attend bien
évidement à une forte augmentation, non du nombre absolu de cas dans la
population que l’on ne connait pas, mais du nombre de cas
désormais détectés dans la population.
Nouveaux systèmes d'information
Des systèmes d’information tout à fait nouveaux ont été
créés spécifiquement pour ce repérage des chaines de transmission. Ils ont fait
l’objet d’une grande attention de toutes les parties prenantes pour les ajuster
à notre corpus juridique afin que la vie privée soit respectée. Ils sont enfin
opérationnels et commencent à se « peupler » de données. A ce jour,
le dispositif est encore en rodage et se déploie dans les meilleures
conditions. La bascule de l’ancien système de reporting vers le nouveau se fait
progressivement avec des ajustements pour rendre compatibles les systèmes
d’information des différents maillons de la chaine d’information, praticiens
libéraux, laboratoires médicaux et non médicaux, hôpitaux, assurance maladie,
ARS etc.
Départ de la stratégie post-confinement
En effet, nous traversons inévitablement un double cône
d’ombre en termes de comparaison de l’évolution des données d’un jour à
l’autre. Ombre dans la mesure de l’intensité de la transmission (la mesure du
‘R0’, le nombre de contacts qu’une personne contagieuse contamine en moyenne)
que la fin du confinement généralisé fera varier d’une amplitude qui ne pourra
être mesurée que rétrospectivement. Ombre dans le suivi de la courbe
épidémique, mesurée par l’accroissement ou la réduction du nombre de nouveaux
cas chaque jour. L’échelle de mesure change puisqu’on dépiste désormais tous
les cas même très peu symptomatiques et tous leurs contacts. Ils seront plus
nombreux parce que recherchés plus activement, sans que cela ne traduise
nécessairement une intensification de l’épidémie.
Montée en puissance de la capacité régionale à identifier le moindre cas
Cette période d’incertitude sera de courte durée et les
comparaisons permettant un suivi de la progression ou de la régression de
l’épidémie redeviendront rapidement pertinentes sitôt que l’exhaustivité des
données, basculées d’un système à l’autre, sera garantie et qu’un laps de
temps sera suffisant pour une observation interprétable. Le nombre rapporté de
cas dépistés est de bon augure. Il ne signifie pas que le nombre de cas
positifs explose. Il semble rester plutôt stable à ce jour. Il traduit plutôt
la montée en puissance de la capacité régionale à identifier le moindre cas
pour lui proposer de se protéger et protéger ses proches et ainsi participer à
rompre les chaînes de transmission. En témoigne également l’identification de
foyers de cas groupés, ce qui rassure sur la capacité à repérer les "départs de
feu" ou les "feux de braise" qu’il faut connaitre pour les éteindre et protéger
les populations concernées.
Article du 20 mai 2020 I Catégorie : Vie de la cité